Quelle époque !

Mon voyage au cœur de la littérature victorienne s’est poursuivi avec la lecture de Quelle époque !, roman d’Anthony Trollope publié en 1875 (titre original : The Way We Live Now). Trollope est l’un des auteurs britanniques les plus célèbres et les plus prolifiques de l’époque victorienne. Il a écrit 47 romans, quelques douzaines de nouvelles et des livres de voyage. Trollope était inspecteur des postes et écrivait chaque matin avec une discipline remarquable : deux heures et demie tous les jours avant d’aller travailler, qu’il ait fini ou non la phrase en court, le chapitre ou le roman. S’il lui arrivait de finir l’un de ses pavés avant la fin des deux heures et demie, il en recommençait un autre.

Quelle époque ! est considéré comme l’une de ses oeuvre majeures. Lorsque Trollope rentre d’un long voyage en Australie et Nouvelle-Zélande fin 1872, et découvre un Londres transformé et un pays désormais dominé par l’argent. Son roman dénonce la corruption et le mensonge qui se sont emparés de son pays.

La Rat de Libraiire - Quelle époque - Anthony Trollope - 2014

Le personnage principal, celui autour duquel tourne l’intrigue, est Augustus Melmotte, un financier sans scrupule, l’incarnation même du capitaliste véreux. Son passé est obscur et dès son arrivée à Londres, avec sa femme, sa fille et sa fortune, les ragots vont bon train. Tous se demandent d’où vient cet homme mais surtout comment a-t-il construit son empire et amassé sa fortune. Il faut dire que les Melmotte ne vivent pas selon l’adage « Vivons heureux, vivons cachés » : toilettes luxueuses, propriété impressionnante, fêtes somptueuses… Tout est fait pour que les londoniens s’empressent à la porte des Melmotte et les admirent. Augustus est un homme d’affaires, il constitue un conseil d’administration pour la construction d’une ligne de chemin de fer de Salt Lake City à Veracruz au Mexique, et s’entoure de jeunes gens de bonne famille, endettés à cause du jeu, obsédés par l’argent et le pouvoir et dont les parents rêvent de les marier avec la fille, Marie Melmotte (pour l’argent bien entendu). Mais la principale caractéristique de celles et ceux qui entourent Mr Melmotte est évidemment la naïveté, pour mieux les tromper. Malgré les réunions régulières, officielles ou plus privées dans la demeure des Melmotte, personne n’est à même de dire ce que fait réellement l’homme d’affaires. Ce qui importe finalement, est que tous ont la preuve que Melmotte brasse beaucoup d’argent.

Parmi les jeunes aristocrates du conseil d’administration figure Mr Felix Carbury, un baronnet qui mène une vie dissolue et qui dilapide les économies de sa mère, Mathilde Carbury, elle aussi, obsédée par l’argent et qui rêve d’un mariage entre son fils et Marie Melmotte. Mrs Carbury aime son fils d’un amour totalement aveugle, elle ne se rend absolument pas compte de la vie de débauche de son fils et de ses mensonges répétés pour obtenir de l’argent. Elle se dit romancière mais n’a aucun talent. Sa naïveté et sa malhonnêteté sans limite sont à mourir de rire. Quant à la fille de Mrs Carbury, Hetta, elle est loin d’admirer Melmotte autant que sa mère. Elle n’est pas dupe mais son statut de jeune fille ne lui laisse aucune chance de pouvoir s’exprimer et d’être entendue. Elle est amoureuse du jeune Paul Montague, lui aussi membre du conseil d’administration de Melmotte. Beaucoup moins naïf que les autres, Montague va rapidement soulever des questions embarrassantes.

La liste des personnages qui gravitent autour des Melmotte et des Carbury est longue, je ne vais donc pas tous les présenter. Parfois on s’y perd un peu, on revient en arrière mais l’on retrouve rapidement le fil. Quelle époque ! est un livre fascinant, surtout lorsque l’on sait qu’Anthony Trollope avait une activité professionnelle régulière et n’écrivait que le matin. L’histoire ne manque pas de rebondissement. Tout est question d’argent, de pouvoir et de mariage (d’amour aussi mais très peu, les sentiments étant principalement guidés par l’argent). Chacun des personnages est un calculateur, un malhonnête, un voleur ; certains plus que d’autres bien sûr mais tous trompent l’autre à leur façon. La « bonne » société londonienne est obsédée par Mr Melmotte, sans vraiment savoir ce qu’il fait, d’où il vient ni qui il est réellement. Le fait que cet homme possède un grande fortune est suffisant pour forcer l’admiration. Les personnages, comme le lecteur, ne sont pas au bout de leurs surprises !

L’histoire est dense, le roman fait un peu plus de 800 pages et est écrit en petits caractères mais rien n’est inutile. Certes, les descriptions sont nombreuses et parfois longues, mais c’est ce qui caractérise les romans victoriens, que l’on aime ou pas, les descriptions apportent de toute manière un contexte, une ambiance et nous permettent de rentrer dans l’histoire.

J’ai vraiment adoré ce livre parce qu’il nous permet de prendre conscience de la stupidité de certaines personnes qui sont obsédées par l’apparence et l’argent plus que par l’intelligence et le bon sens, le tout dans la bonne humeur. Les personnages sont plus ridicules les uns que les autres, j’ai beaucoup ri et pour cette raison, j’ai envie de dire « merci Monsieur Trollope ». Quelle époque ! contient également un secret, celui d’Augustus Melmotte, et donc une intrigue. C’est pour cette raison que les 800 pages se dévorent facilement, il est très difficile de décrocher. J’ai très envie de découvrir d’autres romans de Trollope, je ne sais pas encore lequel (ou lesquels) donc si vous avez des suggestions, n’hésitez pas !

[Lu en décembre 2014]

Lu dans le cadre du Challenge Victorien 2013.

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Ce que dit la 4e de couv :

Augustus Melmotte est un financier véreux. De ces capitalistes à la morale douteuse qui lancent de vastes opérations spéculatives pour piéger les investisseurs naïfs. A ses côtés : jeunes gens de bonne famille désargentés et voleurs, romancières sans talent, politiciens malhonnêtes et journalistes menteurs pour qui la triche est une seconde peau. Car dans le Londres victorien, on trompe, séduit et arnaque comme on respire, on s’adonne à la satire et cela prend des airs furieusement contemporains.

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